Le parcours de la vidéo-danse TESSEL : Esie Mensah

Ce mois-ci, nous nous sommes entretenu avec la remarquable Esie Mensah à propos de sa vidéo-danse TESSEL. Chorégraphe, enseignante et fondatrice de Esie Mensah Creations, Esie explore la notion de guérison à travers l’utilisation du récit et de la danse Afrofusion. Sa pratique multidisciplinaire va au-delà des genres et des régions, menant à la création de projets tels que son court-métrage A Revolution of Love, de même que la production scénique Shades, nominée aux prix Dora. Esie a foulé la scène de TEDxToronto en 2019 en tant que conférencière vedette pour partager le processus de création de Shades et son expérience en tant que danseuse à la peau foncée. TESSEL est son plus récent film. Il s’agit d’une initiative nationale exceptionnelle qui raconte l’histoire de 14 danseur·euses noir·es à travers le Canada. Esie nous parle du processus collaboratif et guérisseur qui a mis TESSEL au monde. Voici son inspirant témoignage ci-dessous.

 

Esie Mensah in TESSEL, copyright Esie Mensah Creations

 

Dans ton travail multidisciplinaire, on retrouve une tendance à utiliser ton art comme un outil de guérison, d’appartenance et d’identité. Comment ces thèmes guident tes différents processus créatifs ? Je crois que le travail que j’accomplis est ma vocation. Tout ce que je fais, qu'il s'agisse d'un spectacle, d'une discussion ou d'une répétition, révèle quelque chose qui contribue à élargir mes horizons. Avant tout, je raconte des histoires et plusieurs de mes projets sont le reflet d’enjeux personnels que je cherche à soigner. Je sens que la manifestation de mon art me permet de mieux comprendre et de solidifier ma relation avec mes ancêtres. Puisque mes productions sont très personnelles, j’ai souvent l’impression que je recherche la vérité à travers les questions que je pose. J’ai tendance à traverser un chemin thérapeutique lors de périodes de répétitions. Cette recherche de vérité avec mon travail m’a permis de mieux comprendre qui nous sommes en tant qu’artistes et en tant que personnes. Mes ancêtres sont très doués pour tendre un miroir vers la société. Elles et ils me demandent tendrement de regarder au-delà de mes traumatismes et de mes préjugés pour poser de profondes questions. Je crois fermement qu’il est important de rechercher ce dont on a besoin, plutôt que ce que l’on veut. Je fais un travail intense, mais j’ai appris au cours de ma carrière que le travail révèle toujours pourquoi il est nécessaire.


En 2021, tu as créé TESSEL, une vidéo-danse qui donne la parole à 14 artistes en danse noir·es à travers le Canada. Il y a plusieurs facettes au rôle de réalisatrice. Peux-tu nous en dire plus sur le processus de collaboration avec les différent·es artistes du film ? La création de TESSEL a été un processus mené par nos ancêtres du début à la fin. Il s’agissait de ma première expérience en tant que réalisatrice. J'ai donc travaillé pour favoriser une ouverture d'esprit qui m'a permis d'apprendre et de devenir meilleure. Cette expérience m’a rappelé comment gérer les attentes et trouver ce qu’il y a de précieux en toute circonstance. 

L’idée directrice de ce projet était de rassembler des artistes (noir·es) dans l’unique but d’avoir l’espace pour entretenir une conservation honnête, puis de faire un montage de ces mots pour en raconter le récit à travers un film. Ancré dans l'idée de centrer les artistes sur leur propre dialogue, TESSEL a permis à chaque artiste impliqué·e de contribuer. Les conversations pour le film se sont étalées sur 2 jours et ont duré 7 heures au total. À ce moment-là, je ne savais pas ce que je recherchais, mais j’avais confiance que les réponses viendraient à point. Que signifie créer à partir de la vérité? Comment pouvons-nous utiliser notre courage pour créer une empreinte durable avec ce film? En tant que réalisatrice, j’ai trouvé nécessaire de soutenir le discours des artistes comme s’il était le mien. Lors de la construction du récit de TESSEL, j’ai placé les phrases que vous entendez dans le film avec beaucoup de soin et de réflexion. Quand les artistes ont tourné les images en mouvement, je les ai invité à rester conscient·es des conversations que nous avions eu ensemble. Chaque artiste porte l’esprit de nos conversations à travers leur danse. Ainsi, l’intention que j’ai déposée pour le film se poursuit. 

L’idée directrice de ce projet était de rassembler des artistes (noir·es) dans l’unique but d’avoir l’espace pour entretenir une conservation honnête, puis de faire un montage de ces mots pour en raconter le récit à travers un film. Ancré dans l'idée de centrer les artistes sur leur propre dialogue, TESSEL a permis à chaque artiste impliqué·e de contribuer. Les conversations pour le film se sont étalées sur 2 jours et ont duré 7 heures au total. À ce moment-là, je ne savais pas ce que je recherchais, mais j’avais confiance que les réponses viendraient à point. Que signifie créer à partir de la vérité? Comment pouvons-nous utiliser notre courage pour créer une empreinte durable avec ce film? En tant que réalisatrice, j’ai trouvé nécessaire de soutenir le discours des artistes comme s’il était le mien. Lors de la construction du récit de TESSEL, j’ai placé les phrases que vous entendez dans le film avec beaucoup de soin et de réflexion. Quand les artistes ont tourné les images en mouvement, je les ai invité à rester conscient·es des conversations que nous avions eu ensemble. Chaque artiste porte l’esprit de nos conversations à travers leur danse. Ainsi, l’intention que j’ai déposée pour le film se poursuit.

TESSEL semble être un film enraciné dans la notion de communauté et connecte ainsi des publics à travers le Canada. Comment as-tu considéré rendre ce film accessible à un aussi vaste public pendant le processus de production ? Je suis choyée que l’opportunité qui a vu naître TESSEL provienne d’une conversation avec Ilter Ibrahimof, le directeur artistique de Fall for Dance North. Peu après, Nathalie Bonjour et Tyler Shaw de The Harbourfront Centre se sont joint au projet. La liste des diffuseurs et des allié·es a continué de s’allonger par la suite. Nous avons rassemblé 19 organismes en danse de partout au Canada pour contribuer au processus de ce film. TESSEL est une réponse à la réalité du racisme qui est toujours très actuelle. Je désirais que le film éclaire cette réalité. Comment pouvons-nous accéder à ces couches profondes et inconfortables de vérité, nécessaires pour aller de l’avant? Cela requiert un certain niveau de vulnérabilité et je souhaitais que le public ressente et saisisse ce message. Mes ancêtres m’ont poussé à chercher l’honnêteté au coeur d’une conversation qui ne pouvait plus être ignorée. C’est ainsi qu’est né TESSEL

Après la première nationale de TESSEL en juin 2021, as-tu pu observer de quelle manière le film a affecté la communauté de la danse ? J’ai souvent l’impression que je joue à la roulette russe dans mon travail d’artiste. Je prie pour que la chance soit en ma faveur. Ce parcours a été une vraie bénédiction. Ce fût une opportunité pour se rassembler (même dans des espaces virtuels), s’interroger et discuter. Comme je l’espérais, j’ai été témoin des multiples conversations suscitées par le film. J’étais heureuse et amère à la fois que la première de TESSEL ait lieu pendant le Covid. Ainsi, nous n’avons pas eu la chance de partager l’espace ensemble physiquement ni de connecter avec le public face à face. Le fait que la communauté se rassemble et se soutienne mutuellement sont des choses qui me manquent vraiment. 

TESSEL m’a permis de libérer ma voix. Au travers du processus de création de ce film, j’en ai tellement appris sur moi-même, celles et ceux qui m’entourent et la communauté. Un de mes plus grands apprentissages a été de constater que je suis plus capable que je ne le pense. Je me dis souvent que je ne sais pas ce que je fais. Si je m’étais écouté, TESSEL n’aurait jamais pu connecter autant de gens d’un bout à l’autre du Canada. Chaque porte close te mènera où tu dois être (et c’est tellement important à se rappeler en tant qu’artiste!). Je suis reconnaissante de chaque tribulation rencontrée, parce qu’elles m’ont permises d’affiner mon art et d’être qui je suis aujourd’hui. 

Pour plus d’informations sur Esie, trouvez sa page Instagram ou son site internet. Apprenez-en davantage sur TESSEL sur le site internet du film. 

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